DEVENIR HUMAIN
« On a longtemps cru que l'homme était programmé par l'hérédité à être homme. L'une des principales découvertes de l'époque moderne, c'est qu'aucune définition éternellement vraie ne peut lui être appliquée. [...] On ne naît pas humain, on le devient. L'homme est constamment en devenir. Il s'invente et se réinvente sans arrêt.
[…] L’existence correspond à l’aventure de la vie. Elle est imprévisible et inattendue, comme celui qui s’y livre. L’homme rempli ses bagages au gré des rencontres, des stations, des passages. Citoyen du monde, il accumule à chaque seconde une expérience qui lui tient lieu de nature. Devenir soi en pleine lumière, parmi les choses et les autres êtres, c’est sa raison première d’exister.
[…] Exister, mais aussi parler. L’homme est capable de dire ce qui lui arrive. Les autres espèces ont un langage, un ensemble assez mécanique de codes de communication. L’humain expérimente les possibilités infinies de la langue. […] Il ne faut ni la cacophonie ni le mutisme, ni le vacarme ni le bâillon, ni les grésillements inaudibles des voix ni le silence des pierres. L’humanisme est rendu possible par le sens de l’écoute et de la mise en relation fraternelle des êtres. La pire déshumanisation, c’est l’absence de parole.
[…] L’apprentissage est permanent. Les enfants ne sont pas les seuls à apprendre. Fondement de l’humanisme, la connaissance, c’est la liberté réalisée. Perpétuellement réformable, l’homme a plus que jamais besoin d’être émancipé. L’école est seule à vraiment l’affranchir. […] À chaque pas, nous enrichissons notre boîte à outils, nous apprenons l’humain et nous apprenons à être humain. […] Contre l’exclusion, la marginalisation, la haine, il n’est de meilleur remède. Il n’est jamais suffisant. Mais renoncer à apprendre, c’est aller tout droit vers la barbarie.
Le processus remonte à la nuit des temps. Ainsi pouvons-nous dire que l’homme ne cesse de s’humaniser. […] Les savants nomment « hominisation » cette longue fresque où l’homme, plongé dans la préhistoire puis l’histoire, se met debout, cultive et déploie ses capacités non seulement d’adaptation mais encore de création. L’ « évolution », dans le sens scientifique du mot, prouve que le développement biologique des besoins vitaux doit être lié à des choix raisonnés et maîtrisés. […] Elle n’est pas achevée. Comme nous en sommes les dépositaires provisoires, faisons grandir l’humanité en nous. »
Extraits du texte d'introduction de la première partie des Itinéraires humanistes pour notre temps.